Le gouvernement de Jean Castex a dévoilé le 3 septembre dernier son plan de relance, France Relance, pour faire face à la crise économique et sociale engendrée par la pandémie du Covid-19. Dans ce plan, 3 priorités, la compétitivité, la cohésion et l’écologie. En tout, ce sont 100 milliards d’euros qui vont être investis par l’Etat dont 30 milliards uniquement pour l’écologie. Serait-ce une véritable réponse aux demandes citoyennes pour des actions face à l’urgence climatique ?
Le nouveau plan de relance du gouvernement visant à sauver la France de la plus grosse crise connue depuis 1929 présente un volet environnement alloué d’un budget d’un montant non négligeable de 30 milliards d’euros soit 30% du total de ce plan. Cet argent sera réparti en plusieurs thèmes. Un au cœur de ce plan est la rénovation énergétique des bâtiments. Pour les privés, un budget de deux milliards d’euros répartis sur deux ans est prévu. Cet argent contribuera à financer en partie le projet MaPrimeRénov’, déjà lancé depuis janvier 2020, qui vise à prendre partiellement en charge les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique des logements des ménages les plus modestes.
Le plan de relance écologique contient aussi un volet sur les technologies vertes, le gouvernement a pour objectif de lancer une filière d’hydrogène vert en France notamment pour pouvoir tenir son engagement dans l’accord de Paris d’atteindre la neutralité carbone avant 2050. Grâce aux deux milliards d’euros engagés, le but est de soutenir les projets déjà existants pour la production d’un hydrogène bas carbone mais aussi de mettre en place un projet commun européen pour industrialiser le territoire comme par exemple la production de piles à combustibles, de réservoirs et de matériaux pour permettre le développement de véhicules à hydrogène.
Le plan de relance a aussi pour objectif de baisser les émissions de gaz à effet de serre dans d’autres secteurs que la consommation énergétique des logements, qui en représente à elle seule 25%, comme les transports, l’industrie et l’agriculture. Pour les transports, 11 milliards d’euros seront consacrés au développement des transports en commun, à l’amélioration du réseau de pistes cyclables, à l’amélioration du réseau ferroviaire mais aussi à la conversion du parc automobile français en faveur des véhicules propres. En ce qui concerne l’agriculture, la volonté est d’accélérer la transition agro-écologique grâce notamment à des aides pour une alimentation plus saine et plus locale.
Le gouvernement a donc présenté un plan de relance écologique ambitieux qui répond aux demandes des citoyens pour une véritable transition écologique comme le montre le succès de la pétition « L’affaire du siècle ».
Ce plan a suscité de nombreuses réactions et de nombreuses critiques de la part d’activistes ou de politiciens pour l’environnement mais aussi d’autres personnalités ne comprenant pas l’utilité d’un volet écologique dans un plan de relance économique.
Certaines personnalités se sont empressées de démontrer le manque de cohérence et de volonté de ce plan de relance. Le monde entier vit une crise économique et sociale majeure, il faut sauver la France. Et pour eux, ce n’est pas avec un volet écologique qui représente 30% du budget entier du plan de relance que l’on va sortir de cette crise. Les partisans d’une relance par la demande déplorent une erreur dans l’identification des priorités actuelles face à l’urgence du pays et un gouvernement qui a cédé face aux pressions citoyennes et des autres parties. L’urgence climatique est bien là, mais elle ne doit pas faire partie des objectifs d’un plan de relance qui a pour définition l’objectif de relancer l’activité du pays. « Ceci n’est pas un plan de relance, mais de modernisation » a d’ailleurs commenté l’économiste Patrick Artus. Le gouvernement n’essaye pas d’arranger les conséquences directes de la crise, il ne les identifie même pas. Il fixe juste des objectifs économiques, de compétitivité et écologiques qui n’ont pas forcément de liens avec cette crise. Le vrai objectif de ce plan devrait être de relancer la consommation, comme l’a fait l’Allemagne en baissant sa TVA, et de baisser l’épargne des français qui a explosé depuis le confinement (plus de 85 milliards d’euros fin juillet selon la Banque de France). Il faut se concentrer sur l’économie uniquement. Le plan écologique est en plus, pour certains, bancal. « En décidant de l’allocation des fonds du plan de relance sans évaluation préalable de leur coût par tonne de CO2 non émise, le gouvernement a cédé à la pression politique, déjà exprimée par la Convention citoyenne sur le climat, plutôt qu’à la rationalité économique. L’efficacité du plan ne pourra qu’en souffrir. » a annoncé le conseiller économique de l’institut Montaigne, Eric Chaney. Pour ces partisans d’un plan de relance purement économique, le volet écologique est donc un échec et est inutile.
Le parti Européens-Ecologie-Les Verts (EELV) a lui aussi fortement critiqué ce plan France Relance, même si des efforts ont été fait, le travail de fond du gouvernement n’est pas efficace pour accélérer la transition écologique, le qualifiant même de « plan insuffisant, incohérent et en trompe-l’œil sur l’écologie ». Eva Sas, la porte-parole d’EELV a d’ailleurs annoncé : “ils incluent 2,6 milliards de soutien pour la “reconversion” à l’automobile et à l’aéronautique, secteurs pas vraiment écolos, comptent 2,5 milliards de prêts BPI qui ne sont donc pas décaissés et promettent 7 milliards pour faire décoller la filière hydrogène mais n’en budgètent effectivement que 2″. Le budget ne reviendrait qu’à 24 milliards d’euros. Les domaines d’investissement ne sont en effet parfois pas les bons. Dans le transport, le gouvernement veut donc changer le parc automobile français en véhicules électriques, industrie qui reste polluante. De plus, l’argent alloué à l’amélioration du réseau ferroviaire servira aussi à financer les projets de TGV reliant Lyon et Turin ainsi que la construction du CDG Express qui sont, selon les EELV, inutiles et pas en adéquation avec la transition écologique dans les transports. Pour le volet rénovation énergétique des logements, il y aussi un problème, lorsque l’on compare avec l’ancien crédit d’impôt transition énergétique, MaPrimRénov’ est en fait plus restrictif que ce dernier et son budget est plus faible qu’il y a deux ans. D’autres secteurs et projets polluants sont toujours en action en France comme le nucléaire, l’agriculture de précision, l’hydrogène non renouvelable ou bien la mise en place de la 5G.
Nombreux défenseurs de l’environnement accusent aussi le gouvernement d’avoir alloué un budget pour l’environnement sur seulement deux ans alors qu’il est nécessaire de prévoir un investissement plus lourd sur au moins 10 ans pour avoir l’espoir d’atteindre l’objectif zéro carbone de 2050. Selon l’étude de l’Institut de l’économie pour le climat, pour atteindre cet objectif, il faudrait investir 9 milliards d’euros supplémentaires chaque année jusqu’en 2023, puis 22 milliards supplémentaires par an de 2024 à 2028, le plan de relance est donc loin de ce compte.
Un volet en particulier du plan de relance semble en complète contradiction avec la volonté de se sauver face à l’urgence climatique, celui de la baisse des impôts de production. Cette baisse avantage principalement les plus grosses entreprises qui sont le plus souvent les plus polluantes. Celle-ci correspond à un cinquième du budget du plan soit 20 milliards d’euros. Cet avantage ne vient avec aucune contrepartie environnementale ou sociale, l’Etat ne prévoit par exemple pas de plan contre le licenciement dans les entreprises faisant du profit. Seulement 1% du budget du plan est alloué à la lutte contre la précarité. Thomas Piketty regrette d’ailleurs que le plan soit trop basé sur une relance classique du marché qui a déjà échoué en 2008. Il y a un manque de relance dans le secteur public à travers par exemple la création d’emplois publics pour stimuler le marché du travail ou l’investissement dans la santé et la recherche. Ce modèle ne fait qu’enrichir ceux ayant déjà du patrimoine car il stimule les cours boursiers selon lui.
Malgré de nombreux avis divergents sur ce plan, d’autres saluent tout de même l’effort et le budget alloué à la partie environnementale du plan. Le gouvernement semble tout de même avoir de l’ambition pour pouvoir enclencher la transition écologique et plusieurs mesures ont même été saluées, notamment Nicolas Hulot sur les 7 milliards d’euros investis dans l’hydrogène vert. Reste à voir les résultats concrets de ce plan de relance, si l’économie d’avant Covid-19 sera retrouvée et si l’objectif zéro carbone de 2050 sera plus atteignable qu’aujourd’hui.
Pour plus d’informations :
https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/plan-de-relance-laccueil-mi-chevre-mi-chou-des-milieux-ecologistes-1239198
https://www.challenges.fr/politique/les-trois-reproches-des-verts-au-plan-de-relance-soi-disant-ecolo-du-gouvernement_726227
https://www.ouest-france.fr/environnement/ecologie/transition-ecologique/le-plan-de-relance-fait-il-vraiment-la-part-belle-a-la-transition-ecologique-6959050
https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/ecologie
https://www.novethic.fr/actualite/social/economie-sociale-et-solidaire/isr-rse/le-plan-de-relance-fait-la-part-belle-a-l-economie-sociale-et-solidaire-secouee-par-le-covid-19-148971.html
https://www.carenews.com/fr/news/plan-de-relance-plus-d-un-milliard-d-euros-beneficiera-directement-a-l-economie-sociale-et
https://www.latribune.fr/economie/france/le-plan-de-relance-neglige-la-demande-de-justice-sociale-selon-piketty-856332.html
https://www.institutmontaigne.org/blog/france-relance-un-plan-la-hauteur-de-la-crise
http://www.slate.fr/story/195143/plan-relance-economie-france-ecologie-competitivite-cohesion-sociale-territoriale-illusions-100-milliards-euros